Les VPR, les VR et la visite mi-carrière peuvent être déléguées

lundi 22 mai 2023

CE., n° 46/5318 du 28 avril 2023
Le Conseil d'Etat confirme sa position : le décret du 26 avril 2022 portant délégation est légal, les VPR, les VR et la visite mi-carrière peuvent être, sous conditions, déléguées

 

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 28 avril 2023 , rejette la requête du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) qui avait – de nouveau – demandé l’annulation du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 relatif aux délégations de missions par les médecins du travail (MT), aux infirmiers en santé au travail (IST) et à la télésanté au travail en ce qu’il n’excluait pas du champ de la délégation MT / IST les visites de pré-reprise (VPR) et de reprise (VR) ainsi que la visite médicale de mi-carrière.

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En l’espèce, le CNOM saisit, de nouveau, le Conseil d’Etat en vue de demander l’annulation du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022.

D’après l’ordre compétent, le présent décret n'exclut pas, les VPR, les VR ni la visite médicale de mi-carrière du champ des visites et examens pouvant être délégués par le MT à un IST.

Mais, le Conseil d’Etat persiste et signe sa position déjà adoptée l’été dernier …. *

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S’agissant des VPR et des VR :

Il est vrai que les articles L. 4624-2-3 (relatif à la VR) et L. 4626-2-4 (relatif à la VPR) du Code du travail confient au MT la réalisation de ces visites ; pour autant, l'article L. 4622-8 du même Code habilite l'autorité investie du pouvoir réglementaire à prévoir par décret en Conseil d'Etat les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer, sous sa responsabilité et dans le respect du projet de service pluriannuel, à un IST la réalisation d'examens et visites par le Code du travail, dans les limites de leurs compétences respectives.

C’est dans ce cadre législatif que le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 prévoit que le médecin du travail peut confier, dans le cadre de protocoles écrits et du projet de service pluriannuel, sous sa responsabilité, la réalisation des visites et examens prévus au chapitre IV (« Actions et moyens des membres des équipes pluridisciplinaires de santé au travail ») du titre II (« SPST ») du livre VI (« Institutions et organismes de prévention ») de la quatrième partie du Code du travail (« Santé et sécurité au travail ») - au nombre desquels figurent les VPR et les VR, et dans le respect des compétences respectives du MT et de l'IST, n'a pas été édicté en méconnaissance des dispositions des articles L. 4624-2-3 et L. 4626-2-4 précités du Code du travail, alors même que ces dispositions ne mentionnent pas expressément la possibilité que le MT délègue à un IST la réalisation de VPR et des VR.

Par ailleurs, conformément au décret n° 2022-679 du 26 avril 2022, les VPR et les VR n'impliquent pas dans tous les cas la réalisation d'actes réservés aux médecins, par notamment l'article L. 4161-1 du Code de la santé publique. En outre, lorsque ces visites sont déléguées, l’IST qui bénéficie de la délégation doit disposer de la formation et des compétences nécessaires, les réaliser sous la « responsabilité du MT », dans le cadre de protocoles écrits, et dans le respect de leurs compétences respectives, réorienter le salarié vers le MT si nécessaire ainsi que dans les situations prévues par le protocole et que les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale ne peuvent être émis que par le MT.

En conséquence : le CNOM n'est pas fondé à soutenir qu'en permettant, dans ces conditions, à un MT de déléguer à un IST la réalisation des VPR et des VR, le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions législatives du Code de la santé publique qui réservent à un médecin la réalisation de certains actes.

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S’agissant des visites médicales de mi-carrière :

Si l'article L. 4624-2-2 du Code du travail réserve aux seuls infirmiers en pratique avancée (IPA) la possibilité de réaliser de plein droit la visite médicale de mi-carrière qu'il institue ; néanmoins l'article L. 4622-8 du même Code habilite l'autorité investie du pouvoir règlementaire à prévoir par décret en Conseil d'Etat quelles missions du Code du travail peuvent être déléguées, dans certaines conditions, par le MT à un IST, qu'il soit ou non IPA.

Dès lors, le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 peut prévoir, dans les conditions qu'il définit, la possibilité à un MT de déléguer à un IST la réalisation de la visite médicale de mi-carrière, parmi les visites et examens dont il autorise la délégation ; sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les IPA aient la possibilité de réaliser cette visite sans qu'ils aient reçu, au préalable et à cette fin, une délégation du MT.

En conséquence : le CNOM n'est pas fondé à soutenir que le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 attaqué a été édicté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4624-2-2 du Code du travail qui ne réservent pas la réalisation de cette visite soit au MT, soit à l’IPA.

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Pour aller plus loin :

Le CNOM contestait également l’absence de mesures transitoires du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 portant « délégation » entré en vigueur le 28 avril 2022, alors même que le présent texte exigeant qu'une telle délégation de missions soit adaptée à la formation et aux compétences du professionnel auquel elles sont confiées. Or, les dispositions de l’article L. 4623-10 du Code du travail, relatif à la « formation spécifique en santé au travail des IST », n’étaient pas applicables (le décret définissant les modalités de cette formation ayant été promulgué le 27 décembre 2022 : décret n° 2022-1664 du 27 décembre 2022).

Ainsi, d’après le Conseil de l’ordre en permettant, dès le 28 avril 2022, la délégation à un IST qui ne dispose pas d'une formation particulière des VPR et des VR, le droit constitutionnel à la protection de la santé.

Mais, encore une fois le Conseil d’Etat n’approuve pas l’argument de l’ordre qui n’est pas fondé à soutenir que le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 attaqué, en entrant en vigueur le lendemain de sa publication, avant que n'ait été pris le décret auquel renvoie l’article L. 4623-10 du Code du travail, aurait été pris en méconnaissance de ces exigences en termes de formation.

En effet, l’IST bénéficiant d'une délégation du MT pour réaliser certains examens ou visites doit disposer d'une formation ou d'une qualification particulière. Les missions déléguées doivent en outre être adaptées à la formation et aux compétences des professionnels auxquels elles sont confiées.

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Pour rappel

* Le 18 juillet 2022, le Conseil d’État avait déjà rejeté le recours du CNOM qui demandait – en référé – de suspendre les dispositions du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 relatif aux délégations de missions par les MT aux IST et à la télésanté au travail.

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Retrouver le texte officiel sur Légifrance

Voir aussi :
 

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Récapitulatif mises en ligne sur KALIPSO du 08/05/2023 au 17/05/2023

QUESTION / RÉPONSE

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JURISPRUDENCE

  • Cass. soc., n° 21-15.688 du 10 mai 2023
    Preuve du harcèlement moral : charge aux juges d'examiner D'ABORD l'ensemble des faits invoqués par le salarié, ET, seulement ENSUITE la justification par l'employeur | Légifrance 17/05/2023 Nouveau
  • Cass. 2ème civ., n° 21-17.788 du 11 mai 2023
    Date de la première constatation de la MP : comment la déterminer ? | Cour de cassation 16/05/2023 Nouveau
  • Cass. soc., n° 21-23.148 et n° 22-10.082 du 11 mai 2023
    Résiliation judiciaire suivie d'un licenciement pour inaptitude jugé nul : la demande du salarié en réintégration est possible s'il abandonne sa requête initiale en résiliation | Légifrance 15/05/2023 Nouveau
  • Cass. soc., n° 21-23.054 et n° 21-24.032 du 13 avril 2023
    Le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs ne peut être subordonné à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence | Légifrance 12/05/2023
  • CE., n° 46/5318 du 28 avril 2023
    Le Conseil d'Etat confirme sa position : le décret du 26 avril 2022 portant délégation est légal, les VPR, les VR et la visite mi-carrière peuvent être, sous conditions, déléguées | Légifrance 12/05/2023
  • CE., n° 46/3726 du 7 avril 2023
    Ouverture du droit à l'allocation temporaire d'invalidité : Accident de service + différents taux IP qui cumulés atteignent au moins 10% | Légifrance 11/05/2023
  • Cass. soc., n° 21-25.566 du 13 avril 2023
    Rappel des deux conditions cumulatives afin de bénéficier de la contrepartie pour les opérations d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise ou sur le lieu de travail | Légifrance 11/05/2023
  • Cass. soc., n° 21-24.149 du 13 avril 2023
    Code du travail de la Nouvelle-Calédonie : licenciement discriminatoire en raison d'un état de santé / handicap prononcé alors que le salarié est « apte avec restriction » | Légifrance 10/05/2023
  • CE., n° 45/0231 du 7 avril 2023
    Illustration jurisprudentielle dans laquelle les juges administratifs refusent de reconnaître l'imputabilité au service d'un syndrome dépressif d'un PH | Légifrance 10/05/2023
  • Cass. 2ème civ., n° 21-14.922 du 16 mars 2023
    Pré-retraite amiante : le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur commence à courir à compter de la cessation de travail
  • Cass. soc., n° 21-20.043 du 13 avril 2023
    Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité quand la charge de travail d'un salarié est excessive et porte atteinte à sa santé