Visite de reprise et paiement du salaire
lundi 12 février 2024
Cass. soc., n° 22-18.437 du 24 janvier 2024 - A l'issue de son arrêt de travail, le salarié qui ne reprend pas de suite son travail mais qui reste à la disposition de son employeur pour passer la visite de reprise a droit au paiement de son salaire
Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt, que le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, sans toutefois reprendre effectivement son travail, a droit au paiement de sa rémunération.
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Dans cette affaire, un salarié, menuisier poseur est, deux mois après la fin de son arrêt de travail, déclaré inapte à son poste.
Il décide de saisir la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail, en réclamant, notamment, le paiement d’un rappel de salaire, consécutivement à la fin de son arrêt de travail.
L’intéressé fait valoir qu’à l’issue de son arrêt de travail, il s’était tenu à la disposition de son employeur pour passer la visite médicale de reprise dont il avait vainement sollicitée l'organisation avant d'entreprendre lui-même les démarches pour qu'une telle visite puisse avoir lieu, deux mois plus tard.
La Cour d’appel rejette la demande du salarié, dans la mesure où, à l’issue de son arrêt de travail, le salarié avait décidé de ne pas se présenter à son travail, faute de visite de reprise.
Sur ce point, l’arrêt d’appel est censuré par la Cour de cassation aux motifs que le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération.
Dès lors, il revenait aux juges du fond, pour se prononcer sur la reprise de salaire, de rechercher si le salarié, à l’issue de son arrêt de travail, s’était ou non tenu à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise.
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Pour rappel :
La visite médicale de reprise est obligatoire dans certains cas, prévus à l’article R. 4624-31 du Code du travail :
- Après toute absence d'au moins 60 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;
- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle quelle qu’en soit la durée ;
- Après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail.
La visite de reprise est organisée par l’employeur dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail et dans un délai de 8 jours.
De Jurisprudence constante, la visite de reprise met fin à la période de protection inhérente à la suspension du contrat de travail, pendant l’arrêt de travail (Cass. soc., n° 19-14.883 du 25 novembre 2020).
Dès lors, à l’issue de l’arrêt de travail, plusieurs hypothèses se dessinent :
- Soit ; le salarié ne retourne pas à son poste de travail et ne réalise aucune visite de reprise :
→ Ici, son contrat de travail demeure suspendu et la protection consécutive à cette suspension est applicable (Cass. soc., n° 17-23.273 du 13 mars 2019 ; Cass. soc., n° 21-24.269 du 1er juin 2023)
→ Et il n’y a pas reprise du salaire (Cass. soc. n° 20-21-611 du 13 avril 2022). - Soit ;
Le salarié retourne au travail ou a manifesté son intention de reprendre ; de sorte qu’il se tient à la disposition de son employeur pour passer la visite de reprise (Cass. soc., n° 13-23.606 du 13 mai 2015 ; Cass. soc., n° 19-14.215 du 24 juin 2020 ; Cass. soc., n° 19-10.437 du 13 janvier 2021) :- La visite de reprise a lieu : elle met fin à la suspension du contrat de travail
→ Le salarié doit reprendre, conformément, le cas échéant, aux recommandations médicales : il y a reprise du salaire (Cass. soc., n° 19-24.102 du 3 février 2021) - La visite de reprise n’a pas lieu :
Le salarié étant à la disposition de son employeur pour effectuer celle-ci ; ici il doit y avoir rétablissement de son salaire ; comme le précise ici les Hauts magistrats dans cet arrêt du 24 janvier dernier.
- La visite de reprise a lieu : elle met fin à la suspension du contrat de travail
Par ailleurs, l’absence de visite médicale de reprise peut, en cas de préjudice pour le salarié, lui ouvrir droit à réparation (Cass. soc., n° 17-15.438 du 27 juin 2018 ; Cass. soc., n° 17-22.697 du 12 décembre 2018 ; Cass. soc., n° 17-28.067 du 24 juin 2020 ; Cass. soc., n° 20-21.897 du 9 février 2022 ;…) ;
Et, le cas échéant, justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur si ses manquements sont suffisamment graves (Cass. soc., n° 12-24.967 du 23 septembre 2014).
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A voir :
2 Questions / Réponses au sujet du défaut d’organisation des visites obligatoires par l’employeur et des éventuelles sanctions à donner 1/2 & 2/2.
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Retrouver le texte officiel sur Légifrance
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Récapitulatif des mises en ligne sur KALIPSO du 29 janvier au 9 février 2024
QUESTION / RÉPONSE
JURISPRUDENCE
- Cass. soc., n° 22-14.152 du 24 janvier 2024 Les règles relatives à l'inaptitude et à la rupture d'un CDI sont applicables au portage salarial
- Cass. 2ème civ., n° 22-14.255 du 1er février 2024 En cas de nouvelle expertise médicale ordonnée par le juge, l'avis de l'expert s'impose alors aux parties
- Cass. soc., n° 22-17.807 du 24 janvier 2024 Prise d'acte de la rupture du contrat de travail : les juges doivent prendre en compte l'ensemble des manquements de l'employeur soulevés par le salarié – classique
- Cass. soc., n° 22-20.822, n° 22-24.249, et n° 22-24.238 à n° 22-24.248 du 24 janvier 2024 La Cour cassation conforte sa en matière de préjudice d'anxiété des anciens mineurs : l'ANGDM n'est pas débitrice de l'obligation de sécurité
- Cass. soc., n° 22-13.979 du 24 janvier 2024 Application des règles protectrices AT/MP en cas d'inaptitude d'origine professionnelle : la Cour de cassation conforte sa du « lien partiel » + « de la connaissance par l'employeur »
- Cass. soc., n° 21-17.005 du 24 janvier 2024 Inaptitude non professionnelle constatée avant le 1er janvier 2017 : l'employeur n'était pas tenu de consulter pour avis les représentants du personnel sur le reclassement du salarié inapte (constante)
- Cass. soc., n° 21-23.264 du 24 janvier 2024 Inaptitude : la méconnaissance par l'employeur à son obligation en matière de reclassement ne rend pas le licenciement nul mais le prive de cause réelle et sérieuse (confirmation jurisprudentielle)
- Cass. soc., n° 22-24.589 du 17 janvier 2024 L'absence injustifiée d'un salarié qui porte assistance à un proche âgé, malade et isolé ne constitue pas une faute grave
- Cass. soc., n° 22-18.437 du 24 janvier 2024 A l'issue de son arrêt de travail, le salarié qui ne reprend pas de suite son travail mais qui reste à la disposition de son employeur pour passer la visite de reprise a droit au paiement de son salaire
- Cass. soc., n° 22-15.285 du 17 janvier 2024 Les Recours par le CHSCT / CSE à une expertise pour risque grave : le risque doit être identifié et actuel
- Cass. soc., n° 22-20.193 du 17 janvier 2024 Les preuves du respect des temps de repos et temps de pause incombent à la seule charge de l'employeur
- Cass. soc., n° 22-18.158 du 17 janvier 2024 L'employeur qui ne procède à aucune déclaration AT à la suite d'une agression sur le lieu de travail manque à son obligation de sécurité
- Cass. 2ème civ., n° 22-15.939 du 11 janvier 2024 Aucune incidence de l'absence de transmission du rapport médical du médecin-conseil sur l'opposabilité de la décision de la Caisse à l'égard de l'employeur
- Cass. soc., n° 22-13.144 du 17 janvier 2024 Un licenciement disciplinaire qui repose, en réalité, sur un état pathologique connu de l'employeur est discriminatoire
- Cass. 2ème civ., n° 22-13.133 du 11 janvier 2024 Demande de prise en charge d'un AT portant sur de nouvelles lésions apparues avant consolidation : la CPAM n'est pas tenue préalablement à sa décision d'une obligation informative envers l'employeur sur la procédure d'instruction