Prendre en considération les préconisations du médecin du travail
lundi 13 octobre 2025
Cass. soc., n° 24-15.895 du 24 septembre 2025
L'employeur est tenu de prendre en considération les préconisations du médecin du travail malgré le recours contre son avis et ne peut décider seul d'une nouvelle organisation dans l'attente de la décision des juges
En application de l'article L. 4624-6 du Code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
Le cas échéant, le salarié ou l'employeur peut saisir le Conseil de prud'hommes (CPH) selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (article L. 4624-7 du Code du travail).
Dans cet arrêt du 24 septembre 2025, la Cour de cassation rappelle que l'employeur est tenu de prendre en considération les préconisations du médecin du travail malgré le recours contre son avis.
Ainsi, l'employeur ne peut pas décider tout seul d'une dispense d'activité comme solution d'attente e la décision à intervenir suite à la contestation de l'avis médical sans échange préalable avec le salarié et le médecin du travail.
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En l'espèce, le médecin du travail a préconisé une baisse du temps de travail à 80 % pour un salarié occupant un poste de manipulateur en électroradiologie médicale ; préconisation appliquée par l'employeur.
Par la suite, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à son poste avec réserves : « réduction du temps de travail à 50 % afin de favoriser le maintien dans l'emploi dans la nouvelle organisation et d'assurer le roulement..., en évitant les manutentions manuelles de charge ».
Le salarié a saisi le CPH afin de solliciter la résiliation de son contrat de travail en invoquant une discrimination sur son état de santé.
L'employeur a contesté le dernier avis médical mais le CPH a homologué les propositions d'aménagement de poste.
La Cour de cassation, confirmant l'arrêt d'appel, fait droit à la demande du salarié en prononçant la résiliation judiciaire du contrat, celle-ci produisant les effets d'un licenciement nul.
Les juges rappellent que l'employeur est tenu de prendre en considération les avis et propositions du médecin du travail, dont l'effet n'est pas suspendu par son recours devant le CPH.
Or en l'espèce, l'employeur avait décidé d'une nouvelle organisation sans tenir compte de l'avis du médecin du travail à intervenir sur la reprise du salarié. En outre, l'entreprise n'était pas une petite structure et dans son rapport d'expertise ultérieur, le MIRT n'avait pas relevé d'impossibilité au maintien de l'affectation du salarié dans un temps partiel à 80 %, par roulement (...).
Les juges ont également relevé qu'une dispense d'activité avait été imposée au salarié sans échange préalable avec ce dernier et le médecin du travail pour une solution d'attente de la décision à intervenir suite à la contestation de l'avis médical.
Ainsi, les juges considèrent que l'employeur n'établissait pas s'être trouvé dans l'impossibilité de proposer au salarié, pendant la durée de la procédure de contestation, un poste compatible avec les préconisations du médecin du travail et qu'il n'apportait pas la preuve que la décision de dispense d'activité imposée au salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
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Retrouver le texte officiel sur le site de la Cour de cassation
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Récapitulatif des mises en ligne sur KALIPSO du 29 septembre - 10 octobre 2025
LEGISLATION & REGLEMENTATION
- Arrêté du 26 septembre 2025 fixant les modèles d'attestation d'absence de contre-indications médicales à la conduite et à la réalisation de certaines opérations, prévues aux articles R. 4323-56 et R. 4544-9 du code du travail 2 Arrêtés du 26 septembre 2025 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes pour les SPST et pour les SST en agriculture
- Arrêté du 16 septembre 2025 fixant le modèle de protocole de collaboration conclu entre le médecin praticien correspondant, le ou les médecins du travail de l'équipe pluridisciplinaire concernée et le directeur du service de prévention et de santé au travail interentreprises
- Arrêté du 25 septembre 2025 relatif au coût moyen national de l'ensemble socle de services des services de prévention et de santé au travail interentreprises
JURISPRUDENCE
- Cass. soc., n° 24-13.813 du 24 septembre 2025 En l'absence de visites médicales d'embauche et périodiques, le salarié ne peut obtenir réparation que s'il démontre un préjudice
- Cass. soc., n° 24-11.222 du 24 septembre 2025 Le licenciement n'est pas justifié lorsqu'un lien est caractérisé entre l'inaptitude médicale du salarié et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
- Cass. soc., n° 24-16.960 du 24 septembre 2025 Les victimes d'un accident de trajet ne bénéficient pas des règles protectrices AT/MP s'agissant de leur licenciement et des indemnités afférentes
- Cass. soc., n° 24-17.607 du 24 septembre 2025 Le simple constat d'un lien entre une inaptitude et des conditions de travail dégradées ne suffit plus pour appliquer la législation protectrice
- Cass. soc., n° 24-15.895 du 24 septembre 2025 L'employeur est tenu de prendre en considération les préconisations du médecin du travail malgré le recours contre son avis et ne peut décider seul d'une nouvelle organisation dans l'attente de la décision des juges
- Cass. soc., n° 24-13.811 du 17 septembre 2025 La décision de prise en charge d'un AT/MP est sans incidence sur la prescription de l'action du salarié visant à obtenir l'application des règles protectrices dans le cadre de son inaptitude
- Cass. 2ème civ., n° 23-14.789 du 25 septembre 2025 La CARSAT peut imposer au minimum 25% de cotisations AT/MP supplémentaires en cas d'inobservation des mesures de prévention prescrites
- Cass. 2ème civ., n° 23-14.017 du 25 septembre 2025 L'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable
- Cass. soc., n° 24-14.363 du 17 septembre 2025 Des agissements sexistes peuvent constituer une faute grave
- Cass. soc., n° 23-16.721 du 17 septembre 2025 Le licenciement prononcé dans un contexte de harcèlement moral est nul
- Cass. soc., n° 23-18.512 du 17 septembre 2025 Rappel jurisprudentiel sur les compétences des juridictions en cas d'AT (agression sexuelle) et de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité (harcèlement sexuel et propos sexistes) ayant conduit à une inaptitude
- Cass. soc., n° 22-20.155 du 24 septembre 2025 L'existence d'une demande de reconnaissance de MP ne suffit pas à elle seule à déclencher l'application de la législation protectrice des salariés victimes d'AT/MP dont le contrat est suspendu
