Salarié protégé déclaré inapte

mardi 09 mai 2023

CE., n° 45/8974 du 12 avril 2023
Un employeur qui sollicite l'autorisation administrative pour licencier pour faute grave un salarié protégé déclaré inapte qui ne se rend pas aux convocations médicales…

Dans un arrêt du 12 avril 2023, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel si un salarié protégé est déclaré inapte à son poste de travail par un avis du médecin du travail, alors l’inspecteur du travail ne peut, postérieurement à cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre que l’inaptitude...

…. Sauf si le salarié inapte a refusé de se rendre aux convocations que son employeur lui avait adressées en vue de son reclassement.

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En l’espèce, une salariée, représentante du personnel par ailleurs, est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail (30 septembre 2016).

L’employeur a notifié à l’intéressée son licenciement pour inaptitude (13 mars 2017).

Le Conseil des prud'hommes a prononcé la nullité de ce licenciement, faute pour l’entreprise d'en avoir sollicité et obtenu l'autorisation préalable auprès de l'inspecteur du travail (14 mai 2018).

La salariée a donc été réintégrée avec reprise de son salaire et de la poursuite de la procédure visant à la reclasser.

L’entreprise a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier celle-ci pour faute grave (20 août 2018)

L’'inspectrice du travail a délivré l'autorisation (12 octobre 2018).

Le Tribunal administratif, confirmé par la Cour administrative d’appel, a annulé cette décision. Les juges administratifs du fond ont jugé que l’intéressée ne pouvait faire l’objet d’un licenciement pour faute postérieurement à l’avis d’inaptitude.

L’entreprise se pourvoit donc en cassation.

Le Conseil d’Etat accueille le pourvoi aux motifs que la salariée avait refusé de se rendre aux convocations que son employeur lui avait adressées en vue de son reclassement. Or, pour prendre leur décision, les juges du fond ont omis de rechercher si, par un tel comportement, la salariée n'avait pas mis son employeur dans l'impossibilité de s'acquitter de son obligation de reclassement.

Dès lors, dans ces circonstances particulières, l’employeur pouvait légalement envisager de licencier la salariée pour un autre motif que l'inaptitude tel un motif disciplinaire.

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Pour rappel :

Le fait pour un salarié de ne pas répondre aux convocations du médecin du travail en vue de la visite de reprise, malgré les mises en demeure de son employeur, constitue une faute grave pouvant justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc., n° 97-45.286 du 17 octobre 2000 ; Cass. soc., n° 04-47.302 du 29 novembre 2006 ; Cass. soc., n° 08-42.748 du 28 octobre 2009).

La Cour de cassation avait déjà décidé, dans un arrêt non publié le 16 mars 2016 que le salarié qui ne se présentait pas au second examen médical lorsque la décision d'inaptitude avait été prise par l'inspecteur du travail commettait une faute grave passible d'un licenciement disciplinaire.

À l’inverse, dans un arrêt publié le 23 mars 2023, les Hauts magistrats de l’ordre judiciaire ont décidé que les dispositions relatives au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (articles L. 1226-2 et suivants du Code du travail) étant d’ordre public, l’employeur ne pouvait pas dès lors prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude….

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Retrouver le texte officiel sur Légifrance

Voir aussi :

· Cass. soc., n° 21-16.258 du 8 février 2023
Procédure disciplinaire suivie d'un avis d'inaptitude : les dispositions relatives à l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour faute

· Cass. soc., n° 14-21.304 du 16 mars 2016
Commet une faute grave passible d'un licenciement disciplinaire, le salarié qui ne se présente pas au second examen médical lorsque la décision d'inaptitude a été prise par l'inspecteur du travail

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Récapitulatif des mises en ligne sur KALIPSO du 24 avril au 5 mai 2023

QUESTION / REPONSE

Essai Encadré : Quel bilan à l’issue ?

 

LEGISLATION & REGLEMENTATION

· Décret n° 2023-282 du 19 avril 2023 relatif aux Conseils médicaux de La Poste

· Avis du 26 avril 2023 relatif aux services de prévention et de santé au travail sur les modalités de collecte des données relatives à leur activité

· Décret n° 2023-310 du 24 avril 2023 relatif à la faculté de déroger jusqu'au 30 juin 2024 à l'obligation de mettre à disposition des travailleurs de l'eau à température réglable sur les lieux de travail

 

JURISPRUDENCE

  • Cass. soc., n° 21-10.897 du 13 avril 2023
    Les dispositions, d’ordre public, relatives à l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour faute – Jurisprudence confirmée
  • Cass. soc., n° 22-10.219 et n° 22-11.054 du 19 avril 2023
    Charge de la preuve d’un licenciement potentiellement nul car intervenu du fait de la saisine du salarié du Conseil des prud’hommes en dénonciation d’un harcèlement moral
  • Cass. soc., n° 22-10.476 du 13 avril 2023
    Frontière entre vie personnelle et vie professionnelle : une condamnation pénale d'un salarié pour des faits d'agressions sexuelles sur mineurs caractérise un trouble objectif justifiant son licenciement
  • Cass. soc., n° 21-24.091 et n° 22-14.493 du 13 avril 2023
    Autorisation administrative de licenciement pour inaptitude : incompétence de la Justice prud'homale pour statuer sur l'absence de consultation par l'employeur des DP/CSE sur le reclassement du salarié inapte​​
  • Cass. soc., n° 22-10.758 du 13 avril 2023
    L'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier pour inaptitude un salarié protégé ne fait pas obstacle à une action prud'homale pour rechercher si l'inaptitude a une origine professionnelle et si l'employeur en avait connaissance
  • Cass. soc., n° 22-14.778 du 19 avril 2023
    L'interdiction du harcèlement est distincte tant du principe de non-discrimination que de l'obligation générale de prévenir les risques professionnels​​
  • Cass. soc., n° 22-10.153 du 19 avril 2023
    L'employeur ne manque pas à son obligation de sécurité si, informé de faits de harcèlement, il a pris toutes les mesures nécessaires ​
  • Cass. soc., n° 21-18.651 du 12 avril 2023
    Arrêt de travail « AT » : charge à l'employeur de transmettre à la Caisse une attestation de salaire
  • Cass. soc., n° 21-23.541 du 13 avril 2023
    Si le médecin utilise une mention expresse dans un avis d'inaptitude, alors l'employeur est dispensé de recherche de reclassement
  • Cass. soc., n° 21-24.301 du 12 avril 2023
    Invalidité et visite de reprise : la seule transmission par le salarié d'arrêts de travail sans discontinuité ne permet pas de caractériser une manifestation de volonté de ne pas reprendre le travail
  • Cass. soc., n° 21-24.051 du 19 avril 2023
    Le point de départ du délai de prescription de l'action en reconnaissance et réparation du harcèlement moral ne peut être postérieur à la fin de la relation contractuelle
  • Cass. soc., n° 21-23.295 du 12 avril 2023
    Inaptitude d'origine professionnelle : les indemnités spéciales sont dues même si l'employeur a respecté son obligation dite de reclassement
  • CE., n° 45/8974 du 12 avril 2023
    Un employeur qui sollicite l'autorisation administrative pour licencier pour faute grave un salarié protégé déclaré inapte qui ne se rend pas aux convocations médicales…
  • Cass. soc., n° 21-21.349 du 19 avril 2023
    Autorisation administrative pour licencier un salarié protégé déclaré inapte et compétence du juge prud'homal pour se prononcer sur l'origine de l'inaptitude en lien avec un harcèlement et/ou une discrimination syndicale​
  • Cass. soc., n° 21-21.053 du 19 avril 2023
    La protection du salarié licencié qui a relaté des faits de harcèlement moral n'est plus subordonnée à leur qualification …. Revirement jurisprudentiel
  • Cass. soc., n° 21-21.394 du 12 avril 2023
    Inaptitude et mentions expresses : double dispense de rechercher un reclassement et de consulter le CSE – Confirmation jurisprudentielle
  • CE., n° 45/3831 du 12 avril 2023
    Recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement d'un salarié protégé inapte : le Ministre apprécie le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de sa décision​​
  • Cass. soc., n° 21-25.221 du 19 avril 2023
    Licenciement nul : ni le harcèlement ni l'inaptitude qui en découle ne caractérisent une impossibilité de réintégration