La dermatologie professionnelle à Lille : pour mieux comprendre l’évolution de deux domaines scientifiques ancrés dans le monde du travail

lundi 24 juin 2024

Paul FRIMAT (ISTNF)

J’ai eu l’honneur et la chance de côtoyer le professeur Claude Huriez, lors de mon internat en dermatologie, dans les années 70, et le professeur Marcel Marchand, comme assistant-universitaire en médecine du travail à Lille, ce qui m’a permis de mieux comprendre l’évolution des champs de nos deux domaines scientifiques.

Marcel Marchand avait organisé avec Claude Huriez, le premier symposium international portant sur les dermatoses professionnelles, en juin 1955. Claude Huriez, parlait alors de « péril cutané ». Il y a 70 ans, 55 à 80 % des maladies professionnelles étaient des dermatoses, on évoquait les invalides cutanés du travail.

La loi du 11 octobre 1946 et les décrets de 1952 avaient créé le dispositif « médecine du travail ». Le médecin du travail était devenu un prescripteur d’aptitude à la demande des partenaires sociaux. Ce n’est qu’avec le décret de mars 1979, avec la mise en place du tiers temps, qu’un rôle majeur a été donné au médecin du travail dans l’étude des conditions de travail.

Au début des années 70, en tant qu’interne en dermatologie, attaché-assistant en médecine du travail, je travaille avec Pierre Martin pour le développement de la dermatologie professionnelle. Je m’initie aux procédés de test, à la recherche des allergènes. Le livre Les eczémas allergiques professionnels de J. Foussereau et C. Benezra, qui parait en 1970, devient pour moi une référence.

En dermatologie professionnelle, on retrouve cette même demande de pluridisciplinarité, d’échange et d’amélioration des connaissances qu’en médecine du travail. Le Gerda est créé en 1975 avec l’idée de réunir des experts en dermato-allergologie ; parmi ses membres fondateurs figurent trois dermatologues, un allergologue, un chimiste, et deux médecins du travail…

La journée Dermatoses et environnement professionnel qui se déroule à Lille le 31 mai 1985, m’a permis de rencontrer les différentes équipes francophones en dermatologie professionnelle. J-M. Lachapelle, A. Goossens, J. Oleffe, G. Chabeau, P-Y. Castelain, E. Grosshans, C. Benezra, sont autant de personnalités scientifiques qui m’ont entrainé dans ce domaine d’étude et de recherche.

Le travail a beaucoup évolué depuis l’époque où Paracelse, Ramazzini, décrivaient, les premiers, les atteintes cutanées. C’est à la fin des années 70 que la notion d’analyse du process, l’étude du geste professionnel, d’expertise des produits sont devenus une nécessité. On aborde alors la toxicologie, l’ergonomie, la psychologie, pour mieux comprendre l’évolution du monde du travail.

Avec Christian Géraut, j’intègre le Gerda en 1989, soulignant cette complémentarité indispensable autour de la connaissance du poste de travail, du geste de travail, des process et des produits utilisés, et des démarches de prévention. Nous publions le livre Dermatologie professionnelle et environnement, en 1992, avec Jean-Marie Lachapelle, Dominique Tennstedt, et George Ducombs.

Il faut attendre les années 2000 pour que soit confirmée, en santé-travail, l’importance de l’approche globale de la santé individuelle et collective. C’est dans cette période que nous mettons en place, avec Pierre Thomas, une consultation pluridisciplinaire de dermatologie professionnelle au CHU de Lille, en réunissant les experts en dermatologie allergologie et pathologie professionnelle.

Plusieurs événements organisés avec les équipes lilloises nous permettront de rapprocher les deux disciplines. Avec Marie-Bernadette Cleenewerck, nous organisons à Lille en 2004 le 25e cours d’actualisation en dermato-allergologie. En 2013, les 32èmes journées nationales de santé au travail dans le BTP se déroulent à Lille autour de la thématique du risque cutané.

Ces vingt dernières années ont été une période de développement, de réussite et de valorisation, mais aussi une période d’incertitude. L’exigence et le poids de l’aptitude, la nécessaire aide à l’évaluation des risques, comme la prévention de la désinsertion professionnelle et la démographie médicale, nous ont amené à réfléchir en profondeur au rôle de la santé au travail.

La loi de juillet 2011, 65 ans après 1946, a replacé la santé-travail au cœur de la politique de santé nationale. Cette loi confirme la primauté de la démarche de prévention primaire. Le suivi médical est intégré dans ces actions. La traçabilité des expositions aux risques et la veille sanitaire deviennent des axes de développement des services de santé au travail.

Il faudra une nouvelle série de rapports, la création d’un secrétariat d’Etat à la santé-travail et un accord national interprofessionnel entre les partenaires sociaux pour aboutir à la loi du 2 août 2021, pour conforter les évolutions et mettre en place une dynamique stabilisée pour les services de prévention santé-travail, au service de l’entreprise et des salariés.

Il faut le reconnaître, aujourd’hui, en dermatologie professionnelle, la réalisation de certains actes, y compris les tests cutanés, devient un exercice compliqué. L’évolution du process et des techniques nécessite une recherche de qualité. On voit bien pourtant le rôle important que le médecin du travail peut avoir à la fois dans la connaissance des risques et dans le suivi particulier du salarié.

La problématique de la réparation n'est pas une solution. Il est nécessaire de mettre en place des politiques de formation, des politiques d'éducation qui vont nous permettre de prévenir le risque. Comment agir ? Le cours du Gerda se déroulera les 3 et 4 octobre 2024 à Lille, on y parlera des dermatoses professionnelles, c’est le moment de vous y inscrire franchement.

La dermatologie professionnelle vous concerne, inscrivez-vous à la journée du Gerda du 3 octobre.

Participez au 45e cours du Gerda à Lille les 03 et 04 octobre 2024.
Programme et inscription sur le site dédié gerda2024.com